Le TF a tranché : des documents remis par la FINMA à une autorité pénale au titre de l’entraide entre autorités peuvent être placés sous scellés
Dans un arrêt du 25 novembre 2019 (1B_268/2019), le Tribunal fédéral (TF) a jugé qu’une banque était légitimée à demander la mise sous scellés, aux termes de l’art. 248 CPP, de documents qu’une autorité de poursuite pénale avait acquis de la FINMA dans le contexte de l’entraide entre autorités dont disposent les art. 38 LFINMA ainsi que 44 et 194 CPP.
Cet arrêt met ainsi un terme à un flou jurisprudentiel qui conduisait certains ministères publics à refuser systématiquement la mise sous scellés de documents ou d’enregistrements obtenus au travers de l’entraide administrative entre autorités.
Le TF était saisi en l’espèce d’un recours du Ministère public genevois (MPGE) à l’encontre d’une décision du Tribunal des mesures de contrainte (TMC) de ce canton. Devant la juridiction cantonale, comme devant le TF, le MPGE avait notamment fait valoir que les documents qu’il avait acquis de la FINMA au travers de l’entraide entre autorités selon les art. 38 LFINMA et 194 CPP ne pouvaient pas être placés sous scellés.
Le TF en a jugé autrement. La Haute Cour a certes considéré que l’autorité requise, en l’espèce la FINMA, ne dispose pas d’un droit de mise sous scellés des documents dont la production est demandée, seule la voie du recours auprès de l’autorité compétente aux termes de l’art.194 al. 3 CPP (dans le cas d’espèce : le Tribunal pénal fédéral – TPF) lui étant ouverte. Cette voie est cependant expressément réservée aux autorités, de sorte que les personnes dont les intérêts privés pourraient être atteints par la mesure d’entraide non seulement ne peuvent pas s’opposer à la production du dossier de la FINMA au cours de la procédure d’entraide entre autorités, mais encore ne disposent pas d’un droit de recours contre la transmission des documents requis au sens de l’art. 194 al. 3 CPP, ni probablement même d’un droit de participer à l’éventuelle procédure de recours qui serait initiée par l’autorité.
Toutefois, le TF a retenu que ces personnes dont les intérêts privés pourraient être atteints par la mesure d’entraide (en l’occurrence, il s’agissait d’une banque qui s’opposait à la remise de documents la concernant détenus par la FINMA) doivent être informées par l’autorité de poursuite pénale de sa demande d’édition et ont la possibilité de faire valoir leurs droits dans le contexte de la procédure pénale au bénéfice de laquelle l’entraide entre autorité est requise (c. 2.1 et 2.2).
Les droits invoqués peuvent alors inclure le droit de ne pas participer à sa propre incrimination, mais aussi des secrets protégés, comme le secret professionnel de l’avocat et celui des affaires. Dans cette dernière mesure, il est loisible aux personnes concernées de requérir la mise sous scellés des documents transmis, en application de l’art. 248 CPP, procédure particulière permettant précisément d’assurer la protection des secrets invoqués (c. 2.3).
Il est dès lors acquis que, contrairement à l’interprétation extensive qui a pu être donnée par des autorités de poursuite pénale d’un considérant rapide d’une jurisprudence isolée du TPF (TPF, décision du 3 juillet 2019, BB.2018.192, c. 1.3), des données ou des documents acquis par une autorité de poursuite pénale au moyen de l’entraide administrative dont dispose notamment l’art. 38 LFINMA peuvent bel et bien être placés sous scellés, sans autre restriction que celles applicables de manière générale à la procédure de mise sous scellés selon l’art. 248 CPP.
On notera enfin que la motivation (c. 2.3) que le TF consacre dans cet arrêt au conflit potentiel qui peut exister entre l’obligation de renseignements d’une banque à l’égard de la FINMA et le droit de ne pas s’auto-incriminer laisse augurer d’une inflexion future de la jurisprudence sur cette question, avec à la clé une approche encore plus respectueuse des garanties essentielles de la procédure pénale.
Proposition de citation: Alain Macaluso, Le TF a tranché : des documents remis par la FINMA à une autorité pénale au titre de l’entraide entre autorités peuvent être placés sous scellés in www.droitpenaldesaffaires.ch du 12 décembre 2019.