Affaire Banque Hottinger : l’entreprise ne peut pas être condamnée pénalement tant que la procédure contre les personnes physiques qui ont commis l’infraction est en cours
Par décision du 10 mai 2019 récemment publiée, la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral (TPF) a annulé une ordonnance pénale du Ministère public de la Confédération (MPC) rendue contre la Banque Hottinger & Cie SA en liquidation du chef de blanchiment d’argent (art. 102 al. 2 et 305bis CP).
Outre des reproches liés à la manière dont avait été constitué le dossier, le TPF a retenu que la condamnation de la banque sur le fondement de l’art. 102 al. 2 CP n’était pas légitime, dans la mesure où il ne paraissait pas évident, à ce stade, que seraient clairement établies les infractions alléguées (des actes de blanchiment dont se serait rendu l’auteur l’un de ses employés et le crime en amont de ce blanchiment) qui sont à la base de la responsabilité pénale de l’entreprise ; en outre, la banque n’avait pas reconnu les faits qui lui étaient reprochés.
En jugeant de la sorte, le TPF reprend à son compte, dans une configuration différente, soit en amont d’une décision rendue contre les personnes physiques susceptibles d’avoir engagé la responsabilité pénale de l’entreprise, la jurisprudence « La Poste Suisse » du Tribunal fédéral (142 IV 333), laquelle établit qu’une infraction ne peut être imputée à une entreprise selon l’art. 102 al. 2 CP que dans la mesure où cette infraction a été commise dans tous ses éléments constitutifs objectifs comme subjectifs ; cela suppose que la personne physique ayant agi au sein de l’entreprise, là du moins où elle est identifiée et poursuivie pénalement, ne soit pas libérée des fins de la poursuite pour défaut de réalisation de tout ou partie de ces éléments constitutifs.
Le TPF consacre également quelques développements intéressants au principe de l’unité de la procédure, retenant en substance que, toujours dans une configuration comme celle de l’espèce, le MPC ne pouvait rendre des décisions de clôture distinctes (des ordonnances pénales et un acte d’accusation) contre les personnes physiques et l’entreprise, sans avoir au moins procédé, si les conditions en étaient réunies, aux disjonctions de procédures nécessaires.
La situation de l’espèce est ainsi différente (mais dans un contexte juridique fondamental largement similaire) à l’espèce traitée par le TPF dans une autre affaire récente dans laquelle l’entreprise avait certes admis les faits et l’ordonnance pénale (négociée) prononcée, mais où les personnes physiques, poursuivies mais non condamnées à ce stade, avaient contesté cette ordonnance pénale en soulignant que celle-ci, parce qu’elle reposait, jurisprudence « La Poste Suisse » oblige, sur la constatation implicite qu’ils avaient réalisé les éléments constitutifs de l’infraction de corruption imputée à l’entreprise, violait leur présomption d’innocence.
Proposition de citation : Alain Macaluso, Affaire Banque Hottinger : l’entreprise ne peut pas être condamnée pénalement tant que la procédure contre les personnes physiques qui ont commis l’infraction est en cours in www.droitpenaldesaffaires.ch, du 21 juin 2019.