Révision du CPP : vers quelques modifications en matière de scellés et de séquestre
Le 28 août 2019, le Conseil fédéral a adopté le Message concernant la modification du code de procédure pénale (CPP). Le 1er décembre 2017, le Conseil fédéral avait en effet chargé le Département fédéral de justice et police (DFJP) de mener une consultation sur l’avant-projet de modification du CPP. La procédure de consultation a pris fin le 14 mars 2018.
Loin de constituer une réforme de grande ampleur, la révision du CPP se limite à des modifications ponctuelles, dont certaines, en matière notamment de procédure de scellés, revêtent cependant une importance non négligeable, en particulier pour le droit pénal économique.
Parmi les modifications proposées, il convient tout d’abord de souligner celle, importante, de la suppression de l’exception au principe de la double instance et ses répercussions sur les procédures de scellés.
Le principe de la double instance pénale cantonale est posé par l’art. 80 al. 2 1ère phrase LTF. Il existe toutefois certaines exceptions à ce principe (voir notamment l’art. 75 al. 2 let. b LTF et l’art. 80 al. 2 3ème phrase LTF), qui concernent par exemple les décisions du tribunal des mesures de contrainte (TMC) ou des tribunaux chargés de statuer sur la levée des scellés.
Or, ces exceptions augmentent la charge du Tribunal fédéral, lui attribuant des tâches relevant d’une première autorité de recours. Le projet de modification de la LTF et le Message y afférent – adoptés le 15 juin 2018 – proposent ainsi de supprimer les exceptions prévues dans le CPP. Le projet de révision du CPP s’aligne sur cette vision afin de garantir la réalisation du principe de double instance cantonale.
Plusieurs articles du CPP sont concernés par cette modification. Tel est le cas par exemple de l’art. 248 al. 3 CPP, qui prévoit aujourd’hui que les décisions en matière de scellés prises par le TMC sont définitives, avec pour conséquence que le Tribunal fédéral est la seule instance de recours en la matière. Les difficultés pratiques engendrées par cette situation à l’heure actuelle – notamment au regard d’un volume de données à trier parfois très important – ont conduit le Conseil fédéral à proposer que la décision du TMC puisse faire l’objet d’un recours cantonal, comme le Tribunal fédéral avait brièvement tenté de l’introduire par voie prétorienne, avant, pour l’essentiel, de se raviser. Cette modification, combinée avec celle de l’art. 393 al. 1 let. c CPP, permettra de contester les décisions en matière de scellés par devant l’autorité de recours cantonale.
Ce n’est toutefois pas la seule modification apportée à l’art. 248 CPP. Afin de tenir compte de la jurisprudence du Tribunal fédéral qui précise que ce n’est pas seulement le détenteur des documents qui peut demander la mise sous scellés, mais aussi toute autre personne pouvant se prévaloir d’un intérêt juridiquement protégé au maintien du secret du contenu des documents, l’art. 248 al. 1 CPP est modifié pour étendre dans la loi la légitimation de la demande de mise sous scellés à l’ayant droit, comme c’est le cas pour les motifs d’opposition au séquestre aux termes de l’art. 264 al. 3 CPP dans sa version actuelle.
Le projet prévoit également que la demande de mise sous scellés soit effectuée rapidement. Il introduit ainsi à l’art. 248 l’al. 1 le terme « immédiatement », qui doit se comprendre, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, comme un délai de « six à sept jours ». Aussi, un délai maximal de 10 jours est introduit à l’al. 1, cela pour les cas où l’ayant droit n’apprendrait que longtemps après que des documents, enregistrements ou autres objets ont été saisis et que l’autorité de poursuite pénale a déjà exploité ces moyens de preuve. Cette question mériterait d’être clarifiée par les Chambres : quel sera le délai concrètement applicable, 6-7 jours ou 10 jours (dans tous les cas de figure) ? Il pourrait ainsi être judicieux que les Chambres précisent, par exemple, que le délai de 10 jours pour requérir la mise sous scellés court dès la connaissance de la mesure de perquisition et de séquestre ou dès l’exécution de l’obligation de dépôt.
En outre, il est désormais précisé à l’al. 1 que l’ayant droit qui demande la mise sous scellés peut s’opposer à la perquisition ou au séquestre en faisant valoir son droit de refuser de déposer ou de témoigner ou « en invoquant un secret de fabrication, un secret commercial ou un secret privé », en lieu et place de « pour d’autres motifs », termes qui n’étaient pas suffisamment clairs. L’art. 264 al. 3 CPP est également modifié dans ce sens. Le Message est muet quant au point de savoir si la violation du principe de la proportionnalité pourra toujours être invoquée dans le contexte de la procédure de levée des scellés. Cela paraît néanmoins nécessaire, comme l’a à juste titre relevé la jurisprudence, d’une part afin d’éviter une double procédure (devant le TMC et devant l’autorité de recours) et, d’autre part, afin de tenir compte du fait que dans le contexte d’une obligation de dépôt aux termes de l’art. 265 CPP, la voie du recours n’est pas ouverte.
S’agissant finalement de l’al. 3, le projet prévoit que le TMC statue sur la levée des scellés non seulement dans le cadre de la procédure préliminaire, comme c’est le cas actuellement, mais aussi dans le cadre de la procédure devant le tribunal de première instance (let. a). En revanche, si une question de scellés devait se poser devant l’instance de recours, soit en appel, la décision sur la levée des scellés sera alors prise par un membre de cette juridiction qui statuera ultérieurement sur la cause (let. b). Selon le Conseil fédéral, cette entorse se justifierait, en raison du fait que le TMC est situé à un échelon hiérarchique inférieur à celui des instances de recours et ne pourrait de ce fait être prévu comme autorité de levée des scellés. Cette position réitérée du Conseil fédéral ne convainc toujours pas : le critère déterminant ne devrait en effet pas être celui de la prétendue position hiérarchiquement inférieure du TMC mais bien celui de ses fonctions de juridiction spécialisée. Il est vrai cependant, comme le relève le Conseil fédéral, que les procédures de levée des scellés devant l’instance de recours devraient être plutôt rares.
En résumé, loin d’accélérer ou même de simplifier les procédures relatives aux scellés, en particulier lorsqu’elles portent sur une grande quantité d’enregistrements informatiques, il est probable que la révision, par l’instauration d’une voie de recours cantonale, ne fera que prolonger la durée de ces procédures. Une réflexion devrait probablement être menée, non seulement sur la procédure de mise sous scellés, mais, plus en amont, sur l’étendue – et donc la proportionnalité – de la mesure de perquisition, respectivement de l’obligation de dépôt, que les scellés viennent paralyser; cela permettrait d’éviter, en particulier en matière de perquisition d’enregistrements (soit de données informatiques), que le faible encombrement des supports ne conduisent à perdre de vue le caractère pratiquement ingérable, tant pour l’autorité de poursuite que pour l’ayant droit et le TMC, du tri de leur contenu, représentant souvent l’équivalent de millions, voire de dizaines de millions de pages « papier »…
Relevons enfin que l’art. 263 al. 1 CPP sera également modifié, en raison du fait que le CPP, dans sa version actuelle, ne comprend pas de disposition sur le séquestre de valeurs patrimoniales en vue de l’exécution d’une créance compensatrice, celui-ci étant réglé uniquement dans le code pénal (art. 71 al. 3). La disposition du code pénal sera donc abrogée et son contenu intégré à l’art. 263 al. 1 let. e P-CPP, pour plus de clarté.
Proposition de citation : Alain Macaluso/Laurine Rochat, Révision du CPP : vers quelques modifications en matière de scellés et de séquestre in www.droitpenaldesaffaires.ch, du 30 août 2019.