Rapport annuel 2018 du MROS : quelques chiffres clés et ce qu’ils révèlent
Au mois d’avril 2019 est paru le rapport annuel 2018 du Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS).
Plusieurs éléments chiffrés intéressants ressortent de ce rapport :
(1) On y apprend tout d’abord que, pour l’exercice 2018, le nombre de communications de soupçons reçues, qui s’établit à 6’126, a plus que doublé en deux ans puisqu’il était de 2’909 en 2016. Sur les 6’126 signalements reçus au cours de la période, 3’147 relèvent du droit de communiquer au sens de l’art. 305ter al. 2 CP et 2’979 de l’obligation de communiquer au sens de l’art. 9 LBA. Le secteur bancaire adresse plus souvent des signalements au titre de l’art. 305ter al. 2 CP qu’au sens de l’art. 9 LBA : plus de 80% des communications de soupçons effectuées par les banques l’ont été en vertu de l’art. 305ter al. 2 CP. Hors secteur bancaire, le rapport entre les deux types de communication est équilibré.
(2) Parmi les 6’126 communications reçues, 2’546 étaient encore en cours de traitement au 31 décembre 2018, ce qui représente pas moins de 41,5% du nombre total des communications. A ces suspens de 2018 s’ajoutent 60 communications reçues en 2016 ainsi que 984 des 1’423 communications qui étaient déjà en traitement au 31 décembre 2017.
(3) S’agissant du taux de transmission des communications aux autorités pénales, le rapport indique qu’après avoir atteint un niveau plancher de 64,9% en 2017 – suite à une constante baisse depuis 2011- il est remonté à 65,1% en 2018. Ce chiffre est cependant toujours très en retrait des quelque 75% de transmissions recensées en moyenne historique. Cette baisse s’expliquerait, selon le MROS, par la révision partielle de la LBA entrée en vigueur fin 2013, qui a octroyé au bureau de communication des possibilités supplémentaires pour collecter des informations, les vérifications qu’il peut désormais opérer lui permettant de jouer un rôle de filtre.
(4) Quant au type d’infractions sur lesquelles portent les communications, c’est le blanchiment du produit de délits fiscaux qualifiés (art. 305bis ch. 1bis CP) qui attire l’attention, avec 317 communications, soit un nombre en nette augmentation par rapport aux années 2016 et 2017, qui comptaient respectivement 33 et 201 cas. A titre de comparaison, ce nombre de 317 communications correspond à un peu moins de 40% des cas de communication pour blanchiment d’argent (826 cas en 2018). Ce qu’il est advenu et ce qu’il adviendra de ces communications demeure une inconnue…
(5) De manière générale, s’agissant du sort des communications transmises aux autorités de poursuite pénale, le rapport met en exergue le fait que 1087 décisions en lien avec une communication ont été rendues en 2018, soit une augmentation de 17% par rapport à l’année précédente. Parmi ces décisions, 12% sont des condamnations entrées en force, ce qui selon le MROS est un taux élevé en comparaison internationale. Il attesterait de la bonne qualité des communications effectuées par les intermédiaires financiers suisses. 38% des décisions sont des décisions de classement et environ 46% sont des décisions de non-entrée en matière.
(6) 88% des affaires transmises par le MROS aux autorités pénales aboutissent ainsi à une non-condamnation. Si l’on tient compte du fait que le taux approximatif de transmission aux autorités pénales des communications reçues par le MROS est d’environ 65% ces dernières années, cela signifie que moins de 8% des affaires communiquées au MROS aboutissent un jour à une condamnation. Ce chiffre peut être mis en relation au fait qu’un grand nombre (env. 80%) de communications effectuées par les banques le sont sur le fondement de l’art. 305ter al. 2 CP (dont la suppression est envisagée dans le contexte de la révision actuellement pendante de la LBA).
On peut dès lors légitimement s’interroger sur la qualité intrinsèque de nombreuses communications adressées au MROS et se demander si ces chiffres ne doivent pas être mis en relation avec la crainte grandissante des intermédiaires financiers d’être soumis à des procédures pénales pour violation de l’obligation de communiquer selon l’art. 37 LBA.
Proposition de citation : Alain Macaluso/Laurine Rochat, Rapport annuel 2018 du MROS : quelques chiffres clés et ce qu’ils révèlent, in www.droitpenaldesaffaires.ch, du 20 juin 2019